[ retour page d'accueil ]











 
PèreVAI

Après cette guerre qui venait de dévaster la France, il fallait aussi se réorganiser à Domois. Le père Vai était un homme d’une grande stature et larges épaules, grosse voix qu’il essayait de faire sévère et d’une bonté naturelle, c’est ainsi que le percevaient les orphelins. Il avait une foi sincère envers les enfants qui avaient tant besoin de lui. Il était bon et généreux, il ne savait pas punir ou plus exactement il ne le pouvait pas. Il savait se faire respecter et les orphelins le savaient bien. Le père Vai est resté pour les anciens de Domois l’homme qui est venu adoucir le règlement relativement dur imposé par ses prédécesseurs.

Le père Jean Vai, avec l’aide du père Buhecker nommé économe, met en place un nouveau plan d’action pour que Domois puisse faire face aux contraintes économiques qu’il fallait affronter. .

La ferme fut modernisée : les 18 chevaux à crottin furent remplacés par de magnifiques tracteurs, la moissonneuse-lieuse par une machine “infernale” qui pouvait en même temps battre et récolter le grain. Des remorques à pneus firent leur apparition, sans oublier les charrues à plusieurs socs.

Les moissons

Que de changements pour M. Cornemillot et ses aides qui appréciaient, car en plus du rendement plus important, ils supportaient moins de fatigue.

M. Cornemillot, jeune agriculteur de trente ans en 1932, avait pris en charge l’administration de la ferme. Il devait lui aussi devenir une figure de Domois pendant 35 ans. Il était très compétent et la ferme était bien gérée. Le personnel, quelques grands et quelques employés, Bian-Bian, Mathieu et d’autres, l’aidaient dans cette tâche. L’aide des orphelins, au moment des pommes de terre et des betteraves, était toujours d’actualité.

M. CORNEMILLOT

Dans les années 1960, Severin Lebris (dit “Blanchette”, il était métis) fut l’un de ses principaux collaborateurs. Il est arrivé à Domois en 1952 et après avoir passé quatre années dans la section des grands, apprit son métier à la ferme, qu’il ne quitta plus. Expert dans la conduite des tracteurs, personne ne pouvait rivaliser avec lui pour bien labourer un champ, pas même son chef. “Blanchette” était très estimé de tous, pères, frères, sœurs et les orphelins de toutes les sections. Les habitants des environs l’on adopté et il a su s’intégrer au sein de la communauté de la commune, puisqu’il n’a pas hésité à devenir pompier.

Severin LEBRIS dit "Blanchette"

Blanchette n’a pas pu terminer son mandat au sein de Domois, car il est décédé en 1980. Il repose auprès du père Chanlon dans le petit cimetière, là-bas au bout de l’allée, vers le bois.

Domois possédait une forge que M. Déniel (Pierrot) faisait tourner en encadrant parfois un ou deux apprentis. Cette forge servait, il faut bien l’avouer, plus à l’entretien des outils et matériels de la ferme.

M. DENIEL

On y a en son temps ferré les chevaux et réparé les charrues et remorques diverses. Pierrot était un ancien orphelin qui avait appris sur le tas. Il se plaisait à Domois et n’en est jamais parti. Il était apprécié de ses supérieurs et les orphelins l’aimaient bien.

La vacherie n’était pas oubliée, finie la traite à la main des vingt vaches, une trayeuse électrique arriva quelques années après. L’ami Pinger (vous vous rappelez le jeune homme qui avait accueilli ce petit orphelin bien des années auparavant) appréciait également cette nouveauté.

Le poulailler où le frère Petit et par la suite le frère de Givenchy (p’tit frère) se donnaient à fond, pour élever les centaines de poulets, qui pouvaient être commercialisés à Dijon, fut lui aussi modernisé. Des couveuses électriques furent achetées et les poussins par centaines y virent le jour. Les poules pondeuses qui permettaient elles aussi de faire rentrer quelques “devises” n’arrêtaient pas.

Frère de GIVENCHY

La porcherie avec ses nombreux cochons, était également une source de revenus et cela permettait de recycler les restes et l’eau de vaisselle, qui étaient collectés après les différents services journaliers. (Qui ne se souvient pas de la tonne à cochon qu’il fallait descendre une fois pleine, à la porcherie !). Un boucher de Dijon venait chaque année tuer et préparer ces pauvres bêtes, pour en faire des jambons et des saucisses pour l’hiver, que Domois appréciait particulièrement.

La vigne fut prise plus sérieusement en main par le frère Chenu (dit “Choin-Choin”), venu de sa Vendée natale. A Domois depuis 1930, le père Pergent, alors directeur, lui confia la vigne et la formation des apprentis-vignerons. Beaucoup ont profité de son savoir, j’en connais même qui vivent de ce beau métier et ont leur propre exploitation.

Frère CHENU

Le frère Valentin Chenu partageait son temps entre la culture de sa vigne et le travail de son vin. Il n’était certes pas très bavard ; pour lui la parole c’est comme ses outils, ça s’économise ! Rien ne l’énervait plus que des discussions stériles et inutiles : - Hum ! A quoi ça sert ? Par contre, si un impudent avançait une date imprécise... ou fausse, la réplique fusait comme une flèche : le frère Chenu rectifiait l’année, le mois et souvent même le jour. En vrai paysan vendéen, il n’aimait pas le gaspillage : qui de nous ne l’a vu rapetasser son vieux pressoir, colmater ses tonneaux ou rafistoler ses corbeilles à vendanges... ou entendu bougonner devant un gaspillage intempestif pour une mise au “rancart” prématurée des outils qu’il utilisait “jusqu’à la gauche !”

- Moi, je m’en serais encore bien servi !...

Chargé de la distribution du vin (le père économe pouvait être tranquille) il donnait tout le nécessaire, mais comme disait Lucien, il ne fallait pas compter sur lui pour le “surplus”. Un jour de fête, vers la fin du repas, la communauté proteste gentiment :

- C’est la fête aujourd’hui, frère Chenu, vous ne nous servez rien de spécial ? Le frère Chenu se lève alors et de son pas tranquille s’en va tirer deux bouteilles de pinot de dessous la desserte. Elles étaient là toutes prêtes :

- J’attendais qu’on le demande !...

Il était comme ça le frère Chenu, discret, un peu radin, mais attentif à tout. Travailleur consciencieux, un tantinet malicieux à l’occasion, il était un des hommes clés de Domois.

Le verger

Les vendanges à Domois c’était quelque chose ! Elles commençaient généralement début octobre au moment de la rentrée des classes. Pour les petits Domoisiens ce n’était pas le cas, ils avaient rendez-vous à la cuverie du frère Chenu pour la distribution des caissettes et des serpettes où chacun s’évertuait à avoir la plus légère dans le premier cas et la plus coupante pour le second. Lucien est là avec la charrette remplie de caisses où le raisin prendra place d’ici peu. Le signal est donné, nous commençons par la grande vigne le long de la route de Seurre.

Comme des moineaux la quarantaine d’enfants se ruent dans les rangs. Mais bien vite l’ordre est rétabli par le frère Chenu muni de sa baguette d’osier qui ne tardait pas à faire connaissance avec nos petits mollets nullement protégés par des pantalons. Lucien, Marcel Vieille et consorts nous montrent la méthode pour couper ce raisin qui n’attendait qu’à être mangé. Les dix premiers mètres sont parcourus au pas de charge, il n’y a pas beaucoup de raisin dans la caissette... Les porteurs s’inquiètent et Lucien s’impatiente sur sa charrette.

Les vendanges

Pour nous c’est encore les vacances, assis sur les anses des caissettes, chacun discute ou chante. Le frère Chenu est remonté à la cuverie et doit certainement se demander ce qu’il se passe, ne voyant toujours pas arriver la charrette avec ses premières caisses. Il est bientôt dix heures, le moment de casser la croûte, il faut que la charrette parte sinon pas de casse-croûte. C’est parti ! Lucien et son cheval remontent la côte et nous en profitons pour nous reposer, car Marcel n’est pas trop sévère avec nous et n’est pas le dernier pour envoyer le “verjus”.

Les vendanges

Le retour de Lucien est précédé par le frère Chenu qui arrive par un autre chemin et il doit être surpris de voir si peu de monde dans sa vigne. La récolte des dix premiers rangs avait fait son effet et le buisson en contrebas était très occupé... Bien vite l’alerte est donnée et petit à petit les vendangeurs reprennent leur place dans les rangs. Il semble que les minutes de grâce soient terminées, “Choin-Choin” est là et reprend vite la situation en main. Le raisin est coupé à la vitesse grand V !

- Les grumes, les grumes ! Ramassez les grumes !

Il ne fallait pas laisser des grains de raisin par terre et nous ne le savions pas, mais lui le savait, c’étaient les meilleurs pour son vin. La charrette remontait plus souvent au pressoir et nous avions enfin compris pour quelle raison nous étions là, dans les vignes au lieu d’être sur les bancs d’école.

Au jardin

La cuverie a aussi changé d’allure au fil des années et un nouveau pressoir plus moderne est arrivé. Le frère Chenu trouvait cela inutile mais il l’a quand même bien apprécié par la suite.

Il n’était pas nécessaire d’apporter un changement radical dans le jardin que Marcel Vieille avait en charge et la main-d’œuvre ne manquait pas.

Bêcher, piocher, planter, semer, ne demandait pas à l’époque de matériel sophistiqué. Quand même la direction acheta un motoculteur, une pompe et des tuyaux d’arrosage, ce qui soulagea quelque peu nos jardiniers.

Marcel Vieille était arrivé à Domois en 1930 à l’âge de huit ans comme orphelin. Après un court passage à l’imprimerie, il fut envoyé au jardin et y travailla jusqu’à ses 18 ans. Il fut placé dans une maison des prêtres du Sacré-Cœur, pour aider à la cuisine. Au début de la guerre, il revient à Domois et est nommé responsable du jardin. Marcel fut un bon éducateur et connaissait son métier, ce n’était pas toujours facile pour lui de conduire une équipe d’une dizaine de jeunes en pleine adolescence (Robert Marache et bien d’autres ne me démentiront pas je pense). Pas préparé pour régler les problèmes qui pouvaient survenir à tout instant, il a quand même formé un bon nombre d’orphelins qui ont gardé leur métier à leur sortie de Domois.

Marcel VIEILLE

 

Le père Vai et le père Buhecker ne désiraient pas s’arrêter uniquement à la modernisation de ce qui touchait à la terre. Il y avait un outil dont Domois avait fait sa fierté surtout pour éduquer et former ses orphelins, l’imprimerie.

M. Aimé Meyer prit la succession de M. Morisot et commença alors une véritable politique commerciale. Sont achetées une Minerve ultramoderne, d’autres machines à imprimer pour les formats ordinaires et une, toute moderne également, pour les grands formats. Le vieux massicot a été remplacé, le nouveau est arrivé directement du Salon de l’Imprimerie, à Paris, où il était exposé. Des caractères neufs ont été acquis en même temps.

M. Aimé MEYER

Notre jeune directeur pouvait rechercher de la clientèle, et effectuer le travail demandé. Tout en continuant d’imprimer les différents bulletins des paroisses et établissements religieux, M. Meyer et ses apprentis se mirent à fabriquer : cartes de visite, tracts, prospectus, brochures, factures, en-têtes et même des affiches. “La Petite Bourgogne”, qui était imprimée en 1890 du temps de M. Morisot, était bien loin... L’imprimerie de Domois marchait à fond et devenait, comme le père économe le souhaitait, lucrative. L’orphelinat en avait besoin pour pouvoir élever, former les jeunes de cette nouvelle génération.

Voici ce que dit un ancien apprenti :

Le changement radical qui s'ensuivit, tant technique qu’en discipline, nous surprit, il faut le dire, énormément. De plus le travail commença à venir et les heures d’atelier furent vraiment des heures de travail. Nettoyer, ranger, rester à sa place, essayer de toujours faire mieux en allant plus vite, c’était l’opposé de nos débuts. Notre apprentissage fut dur.

Des professeurs venus d’ailleurs viennent parfaire les lacunes des apprentis. M. Meyer donne une impression de sécurité et excelle dans son travail. Il est respecté des orphelins et la direction lui accorde toute sa confiance. Point d’imprimerie dijonnaise et de toute la région qui n’emploie des ouvriers sortis de Domois, d’autres travaillent encore au “Bien Public” et au “Progrès de Lyon”.

L'imprimerie

 

C’est en 1950 que Domois prend son véritable envol et se fait connaître ou plus exactement est reconnu comme un établissement digne du plus bel orphelinat de France. Les jeunes sont bien installés et profitent du confort du château, sont encadrés par des personnes qui ont appris les nouvelles méthodes d’éducation. Sans pour cela dénigrer ce qu’ont fait tous ces braves gens auparavant, mais les temps changent et le père Vai est venu apporter ce changement. Il a, peut-être, donné aux orphelins ce que sœur Rosalie leur donnait, enfin c’est ce je pense.

C’est le 1er octobre 1951 que je suis arrivé à Domois. N’ayant plus de mère depuis l’âge de deux ans, j’étais placé dans un premier temps dans un orphelinat à Orléans avec mon frère. Un brave prêtre de campagne, espèce de saint homme, parcourait les orphelinats pour essayer de sortir quelques enfants de ce type d’établissements dans lesquels à ce moment-là ils n’étaient pas très heureux. Enfin ce brave abbé Caillette nous emmena, mon frère et moi, dans son presbytère à Dampierre, dans le Loiret. Là, avec sa bonne, il nous choya et nous vécûmes une vie de famille. Mais ce genre d’homme ne s’arrête jamais et il ne peut concevoir qu’il y ait des enfants malheureux, alors d’autres sont venus et la maison s’est trouvée bien petite, au bout de quelques années.

L’abbé Caillette avait un peu d’argent et des bonnes relations, du type grande bourgeoisie, pour ne pas dire noblesse. Il trouva une grande propriété à une trentaine de kilomètres, à Loris, et un grand château qui ferait bien l’affaire d’une trentaine d’enfants. Il l’acheta et durant quatre années nous avons été heureux, car ce n’était pas le règlement d’un pensionnat comme les autres.

Un beau jour, enfin c’est une façon de parler, alors que je me trouvais dans le salon du château à jouer avec un camarade, je vis par la fenêtre un homme au bout de l’allée, avec sa valise. Je dis à mon camarade :

- Tiens, voilà mon père !

Je ne connaissais pas mon père, je ne l’avais pratiquement pas vu ou plus précisément connu, car en effet c’était vraiment mon père. Il venait nous chercher, mon frère et moi pour, à ce qu’il a dit à notre protecteur le cher abbé, nous faire connaître la vie d’une vraie famille.

La séparation ne fut pas facile et c’est en pleurs que je quittais ce lieu où j’avais passé toute ma jeune enfance. Je me demandais qui était ce petit homme avec son chapeau et son costume noir qui avait pu nous enlever de ce nid douillet où nous nous trouvions tellement protégés. Heureusement il y avait mon frère de quatre ans mon aîné, envers qui je pouvais m’accrocher, lui ma seule famille.

Le retour sur Dijon - Saint-Jean-de-Losne par le train à vapeur, puis la Micheline, se fit en une journée. L’accueil dans cette nouvelle “famille” fut très surprenant pour moi. La maison n’était qu’une masure où s’entassaient déjà sept personnes, si l’on compte trois de mes sœurs que mon père avait retirées dans un autre orphelinat. Enfin, cela faisait une bonne dizaine de personnes qui devaient prendre place dans deux pièces après notre arrivée. Quel changement et quelle déception, je ne voyais pas là un avenir des plus optimistes.

Comme cette arrivée dans cette région coïncidait avec les grandes vacances et que deux mois nous séparaient de la rentrée, je m’étais fait un copain avec qui je ne faisais que m’amuser. Je ne savais pas ce que mijotait mon père à notre sujet, croyant que nous allions nous installer définitivement dans cette famille, que je n’acceptais pas.

La fin du mois de septembre arriva et le père nous informa qu’il fallait que l’on rejoigne l’orphelinat de Domois. C’est donc le 1er octobre 1951, à l’âge de neuf ans, que je rejoignis Domois pour n’en plus en sortir durant neuf années

Je nous revois arriver à la gare d’Ouges, et là pas de cocher ni de voiture pour nous emmener à l’orphelinat distant de trois kilomètres. Me voici accompagné de mon père, soutenu par mon frère, à pied, la valise en carton bouilli où se trouvait mon maigre trousseau, en direction de mon nouveau logis. Il faisait beau, un peu frais, mais nous n’avions pas froid. Au loin j’aperçus un immense château et j’eus la certitude que ce serait la même chose qu’à Loris.

La dernière côte fut pénible à monter, non pas que je fusse fatigué... mais je repensais au château que j’avais quitté deux mois auparavant. Et nous voilà arrivés à l’entrée : pas de porte au portail, mais au fond de l’allée, à quelques dizaines de mètres... le château. Il était près de midi lorsque nous sommes arrivés mon frère et moi et tout a été rapide. Mon père nous a remis entre les mains d’un prêtre et il n’y a pas eu de recommandations de sa part, ni de pleurs de notre côté, quand il s’en est allé... je ne l’ai plus revu avant le jour de ma communion trois ans après.

On nous dirigea au réfectoire, où quatre-vingts enfants et adolescents s’apprêtaient à engloutir le déjeuner quotidien. Bien vite je me suis trouvé dans le bain de la vie domoisienne : l’après-midi, après une courte récréation, nous voilà partis au ramassage des pommes de terre. Il faut dire qu’avec 40 enfants ça va plus vite ! Le lendemain, pas d’école mais direction la vigne pour couper le raisin. Cela faisait quand même drôle de commencer l’année scolaire par des travaux des champs. Ils duraient environ une quinzaine de jours et nos instituteurs se chargeaient ou essayaient de nous faire rattraper le retard du programme lorsque nous retrouvions nos classes.

A Domois, je n’ai pas souffert de sévices ou de faim, mais comme tout orphelin, d’un manque de tendresse et d’affection, surtout lorsque j’avais un coup de cafard. J’ai toujours apprécié les bontés des pères, frères et sœurs qui voulaient le montrer. Je ne voulais plus quitter cette maison que j’avais adoptée, même lorsqu’il m’était donné l’occasion d’aller passer un dimanche ou quelques jours de vacances dans la... “famille”. Non ! Mon “Chez Nous” c’était Domois.

Le père Vai a apporté aussi quelque chose que tous les anciens apprécient, “L’Amicale des Anciens de Domois”.

Deux orphelins

Comme nous l’avons vu précédemment, le père Buhecker (économe) a participé au renouveau de l’orphelinat de Domois. Il a passé beaucoup d’énergie et de nuits blanches dans son bureau devant ses comptes. Trésorier d’une maison telle que celle dont nous parlons est une tâche très difficile et il ne fallait pas se tromper dans les prévisions. Il y avait plus de sorties que de rentrées. Malgré sa tâche qui ne devait être qu’économique, il passait son peu de temps “libre” auprès des grands, principalement les basketteurs et ceux qui faisaient du théâtre.

Le père BUHECKER

Les anciens de cette époque pourraient en parler mieux que moi. Il faut tout de même se souvenir que l’équipe seniors et par la suite celles de toutes les catégories, étaient très redoutées dans tout le département et même la région. Les orphelins aimaient ce sport qui leur permettait de sortir de Domois et de rencontrer un autre monde. Aller en déplacement à Auxonne, Plombières, Beaune, Montbard ou Joigny, Autun, Mâcon, etc... était pour nous une récompense que seul un orphelin pouvait apprécier. Le père économe a été le promoteur de cette activité.

Le frère André Clep n’a pas eu la tâche bien facile à Domois. Venu de vocation tardive (adultes qui désirent devenir prêtres), il n’a, on ne sait pour quelle raison, jamais été ordonné. Il en avait très certainement la possibilité car il était intelligent et avait une très bonne culture. Ancien clerc de notaire, il quitta son Nord natal dans les années 1930. Il fit plusieurs allers-retours à Domois pour n’en plus sortir dès l’année cinquante.

Frère André CLEP

Son travail consistait à surveiller la section des “grands”, il en avait 40 en permanence. De 7 heures du matin à 9 heures du soir après le coucher, il devait supporter ces adolescents pas toujours faciles. Il était aussi chargé de la surveillance des repas du midi et du soir. Là, ça doublait car la marmaille, comme il disait, n’était pas facile à maîtriser. Il a d’ailleurs, sans le savoir, donné des punitions, qu’il croyait petites, mais qui laissaient des traces indélébiles. Nous devions durant les cinq minutes du début et la fin du repas garder le silence. S’il y avait un murmure, la sentence tombait sans appel. Même si cela venait du côté des grands nous avions droit à la punition. Une fois sur deux, les “petits” étaient punis par cinq minutes de tour de cour. Le surveillant, un civil dont je préfère taire le nom, y ajoutait le double de temps, ce que le frère Clep ignorait. Il aimait aussi son sifflet qui, lui ne faisait pas le bruit de la roulette, mais il avait celui qui faisait plutôt un bruit de flûte.

Parfois les orphelins le poussaient à bout ce qui le mettait dans de grosses colères (on disait qu’il prenait sa cuite). Il ne faisait pourtant que son travail ; il a cependant laissé un bon souvenir aux Anciens. Il aimait s’occuper de la chapelle et Notre-Dame de Domois ne manquait jamais de fleurs.

Le frère Clep est devenu l’ami de tous les Anciens après leur départ ; il savait les écouter, les conseiller et leur apporter le réconfort qui leur manquait parfois. Il fut un bon collaborateur pour les directeurs, et le père économe a apprécié ses connaissances comptables.

Il est décédé en 1992, à l’âge de 83 ans, après avoir passé 58 ans à Domois, sa maison, où il a retrouvé le père Chanlon, là-bas dans le petit cimetière.

Le petit cimetierre

- retour haut -